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13 octobre 2013

Comment les mots entrent-ils dans le dictionnaire ?

Source Le Petit Robert

Le mot doit circuler de manière observable et indiscutable dans la société. Son écho dans la presse, dans les conversations, à la radio, à la télévision…sont des gages de recevabilité.

        
Joignant description sociolinguistique de la langue française et dimension historique, culturelle, littéraire
, en « prise directe sur l'état du français à la veille de mai 68, LE PETIT ROBERT de 1967 était porteur d'une vie active et d'une unité sociale » (Alain Rey). Ce dictionnaire de langue est depuis mis à jour, tous les ans, par la rédaction et le service documentation, véritable observatoire de la langue, qui repère, capte, sélectionne les mots nouveaux mais aussi les expressions nouvelles et, plus subtilement encore, les variations de sens récemment apparues. 

Le métier de lexicographe

    

Lexico-quoi ? Non, pas « lexicologue », celui qui étudie les mots et leurs combinaisons, mais son cousin, linguiste lui aussi, le « lexicographe », qui rédige les dictionnaires de langue. Notre travail est « bien dur et bien ennuyant, mais bien utile aux autres », assure le Dictionnaire de Trévoux (1771) ! Il consiste à analyser des corpus et des contextes, à faire des recherches dans d’autres dictionnaires, anciens ou spécialisés, à trier et organiser les « matériaux » pour cerner les différents usages du mot à traiter. Cela vous paraît bien austère ? Ça ne l’est pourtant pas. Notre intuition linguistique et notre expérience, alliées à notre attention, en éveil constant, sont les fondements de notre savoir-faire. Quand on lit, écoute la radio, regarde la télévision, ou même quand on discute avec des amis, mine de rien, on guette les emplois nouveaux de mots et autres néologismes. Bref, on travaille encore sur le langage. Une passion.

Le comité éditorial

                    

Une instance aussi exigeante que démocratique. En tant que lexicographes du Robert, nous nous réunissons régulièrement pour discuter des orientations à donner aux dictionnaires. On examine les propositions de la documentation, on parle des auteurs à lire et à citer, des sources à consulter, des chantiers à entreprendre, des spécialistes à solliciter. Nous nous rencontrons pour débattre spécifiquement des sélections de mots nouveaux. Et c’est essentiel : c’est là que se décide l’avenir des mots qui « postulent » à l’entrée dans le Petit Robert. Les débats se concluent par un vote, qui entérine le choix du plus grand nombre.

                

La documentation

« La lecture est mouvement, et l’illustration est un arrêt sur image... » (J. Gracq).

Bravitude aurait-il pu entrer dans le Petit Robert ? Non. Parce qu’on ne le retrouve qu’en contexte particulier, en référence à Ségolène Royal. Il n’appartient donc pas (encore ?) au langage courant ni ne correspond à une réalité sociale nouvelle. Ce n’est pas le cas pour le mot blog, qui, même s’il s’agit d’un anglicisme, recouvre un tel phénomène de société qu’il est entré dans le Petit Robert dès 2006… Simple exemple du travail d’observation qui s’effectue à la documentation.

Notre mission : traquer les néologismes, les nouveaux sens des mots, l’apparition d’expressions, de graphies, de locutions, voire de catégories grammaticales (quand un nom se met à être employé comme adjectif par exemple). Nos outils : à peu près tout ce qui s’écrit, sur le papier et sur Internet. Jusqu’au catalogue de consommation courante, une source très intéressante car représentative des modes de vie ! Nous évitons seulement la terminologie trop spécialisée, trop éloignée de l’usage courant. Tout ce que l’on trouve est intégré à une base de données, qui s’articule autour de deux critères : la cohérence et la fiabilité. On effectue une première sélection, qui est ensuite proposée au comité éditorial.

Dans l’absolu, les citations constituent la dernière touche de l’orfèvre, au milieu du style purement descriptif d’un article. Elles permettent d’illustrer un emploi, un sens nouveau, un concept... À la documentation, nous lisons beaucoup : romans, essais, poésie, autobiographies, bandes dessinées… Nous y relevons des mots, nouveaux ou pas, des expressions modernes sous la plume d’auteurs récents, que nous coupons, soit peu, pour qu’elles racontent une histoire, soit beaucoup, pour qu’elles brillent au maximum… Avouons un petit penchant pour les citations « métalinguistiques », dans lesquelles un auteur parle d’un mot ou d’une expression. Comme Paul Valéry : « Quand on dit d’une théorie “qu’elle peut se soutenir”, n’est-ce pas dire qu’il faut que quelqu’un la soutienne ? ». Toutes ces merveilles prennent place dans une base de données, très utile, par la suite, aux rédacteurs.

Les spécialistes

                     

                                    

Parfois, l’énorme travail de documentation et de recherche ne suffit pas. Le lexicographe a besoin de la compétence du spécialiste. Lui seul, grâce à son expérience, est à même de proposer les ajouts nécessaires. Pour la francophonie, nous faisons appel à des linguistes, spécialistes de l’étude des variétés du français.

Encore plusieurs intervenants avant que le Petit Robert n’arrive sur les tables des « libraires [qui] sont les messagers des nuits que d’autres ont consacrées à l’écriture, des matins que d’autres ont occupés à aligner des mots, à vivre avec des personnages » (T. Ben Jelloun).

L’étymologie

    

« À la Bibliothèque nationale, un temps, pour le compte d’un philologue, il releva des mots, dans les livres » (J. Audiberti).

Chenu, barbu, le dos fourbu par de trop longues heures passées sur de vieux grimoires poussiéreux, l’étymologiste ? Si ce fut le cas, ça ne l’est plus. L’informatique a changé notre vie. En tout cas, notre métier. Bien sûr, nous consultons des dictionnaires et des textes anciens pour suivre à la trace un mot et ses pérégrinations. Mais, aujourd’hui, la plupart de ces ouvrages, anciens ou récents, sont en ligne ou accessibles sur CD-ROM, comme le Dictionnaire universel de Furetière (1690), le Dictionnaire étymologique de Gilles Ménage (1694) et beaucoup d’autres, y compris étrangers. Être étymologiste, c’est chercher l’origine des mots et donner la date de leur apparition en français. Ces dates sont le plus souvent relatives et elles sont avérées jusqu’à ce que l’étymologiste en trouve de plus anciennes.

La mise en musique

    

« Un correcteur n’est jamais en repos. Sans cesse il réfléchit, doute, et surtout redoute de laisser passer la faute, l’erreur, le barbarisme » (J.-P. Dubois). Et c’est encore plus vrai quand il s’agit du Petit Robert ! Le lecteur-correcteur est le garant de la qualité de cet ouvrage de référence. À ce titre, il doit traquer les coquilles, mais aussi vérifier l’ordre alphabétique et les catégories grammaticales. Il doit également posséder ce sens de « la langue bien écrite » qui lui permet de détecter toute « fausse note ».

Reste à mettre en valeur tout ce travail grâce à la maquette. C’est notre but à la direction artistique. Nous choisissons la typographie, décidons de l’utilisation des gras et des italiques, nous nous interrogeons sur la manière de gérer les blancs autour du texte. Rien ne doit choquer l’œil du lecteur lorsqu’il consulte une page. N’importe laquelle. Bref, nous cherchons à atteindre une lisibilité maximale.

L’informatique éditoriale

La quoi ? Disons que c’est notre version de la PAO (publication assistée par ordinateur) : elle sert à l’édition de dictionnaires. Chez nous, c’est du sur-mesure, un outil révolutionnaire propre à notre maison d’édition. Dans un dictionnaire, les composantes sont très nombreuses et complexes. Les rédacteurs envoient à notre équipe les nouvelles entrées et nouveaux textes. Les clavistes saisissent le texte en le « balisant » : ils identifient l’entrée, la catégorie grammaticale, les citations… la mise en pages de l’ouvrage se fait dans la maison et peut s’ajuster jusqu’au dernier moment. « Déjà, il chargeait son imprimante […] Avec un geste de dépit, il lança l’impression » (M. Houellebecq).

On n’imagine pas ce que représente la fabrication du Petit Robert. En quelques chiffres, cela donne : quatre semaines d’impression, 395 tonnes de papier, 26 semi-remorques pour transporter les dictionnaires chez le distributeur. Pour la couverture et le papier, on fait appel à des spécialistes. Les matières sont fragiles, les procédés de réalisation, précautionneux. Les dictionnaires sont imprimés en France, ce travail industriel s’accompagne d’un savoir-faire artisanal. Pourtant, tous les ans, on y parvient.

Le passage au multimédia

   

Après tout, même nos collègues étymologistes travaillent avec Internet et des CD-ROM. Pourquoi pas nos lecteurs ? La version numérique du Petit Robert, réalisée à partir de l’édition papier, est éditée sous plusieurs formes : CD-ROM, téléchargement, abonnement, lisible sur tablette iPad… Chaque année, les mises à jour de la version papier sont intégrées dans la version numérique. Il ne s’agit pas seulement d’actualiser. Nous menons une vraie réflexion sur ce que peut apporter le multimédia au dictionnaire. Notre savoir-faire vise à créer des fonctionnalités et des développements qui vont démultiplier les capacités du dictionnaire grâce notamment aux liens hypertextes. C’est vertigineux.

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